Où commence la mer

Où donc finit sa vague

Le temps et ses saisons

Et ses lames de fond ?

Où commence la mer ?

Dans son cœur est la vague

Mère de tous les temps

Engendrée par les vents

Ses crêtes, o merveille

Ecailles dentelées

Ourlées par le soleil

Aux aiguilles nacrées

Ouvrage sans pareil

Que le ciel a brodé

Où commence la mer

Qui s’unit au désert ?

Dans les soirées de lune

A l’ombre de tes dunes

La mer put s’étaler

Dans un temps éloigné

Et les chants des bédouins

Bercés par leurs tam-tams

Ont remonté le temps

Où finit le désert ?

Où commence la mer

Qui nous donne la manne

Et régit l’univers ?

Rythmé au gré du temps

L’infatigable flot

Qui grignote la grève

Par son chant captivant

Nous plonge dans le rêve

Les dunes en font l’écho

Et l’on entend vibrer

Comme une harpe d’or

L’écume harassée

Qui crie toujours encore

Harmonieux langage

Que la mer sait parler

Et toi, Poète sage

Tu sais imaginer

Nimbée de doux embruns

L’éternelle beauté

Aux multiples parfums

Où finit cette mer

Face à ce grand désert ?

La chaleur de la terre

N’aurait plus de mystère

Quand le soleil brûlant

Dévore les torrents

Et face à la Grande Ourse

La vague fut ta source

Pour te désaltérer

Sous ton ciel étoilé

La mer s’est retirée

Et ton désert sauvage

Aux couleurs de l’argile

Aurait été peuplé

Dans l’espace et le temps

Ce temps qui fort agile

Donne la main au vent

Mais le temps est passé

Le vent a effacé

Les vagues dans le sable

Les ans après les ans

Et sur le sable chaud

Au mirage des mers

Le soir dans un écho

Chante la brise d’air

Le soleil qui s’endort

Sur les vagues mobiles

Semble tirer à lui

Aux teintes délébiles

Un drap multicolore

Nuances de la nuit

La lune a dessiné

Sa robe couleur d’ange

Et sa robe de soie

A l’horizon orange

Lentement se déploie

Où commence la mer ?

Où fini le désert

Au sein de l’univers ?

J’imagine parfois

A l’heure des solstices

Quand le feu du soleil

Embrase le désert

Les dunes ocres et bleues

Que le vent a formées

Semblables à la mer

Où le temps est passé

Et qui toujours existent

Sous une peau brûlée

Mais tout est calciné

Seuls les palmiers subsistent

Attendant que la mer

Vienne baigner leurs pieds

Où commence la mer

Qui régit l’univers ?

Sous sa voûte émeraude

Le ciel va enfermer

Sa cohorte d’étoiles

Que Tunis a captées

Et le brouillard léger

Sur le mont Boukornine

En préparant l’aurore

Sur la cité divine

Se transforme en rosée

O cité de Carthage

Quel hymne à la beauté

Du temps de tous les âges

Et pour l’éternité.